Lors d’une rencontre internationale (4 juin 2021), 200 responsables de CANA à travers le monde ont reçu une formation sur l’exhortation apostolique « Amoris Laetitia »  au cours d’un webinaire en français et en anglais. Le père Christophe BLIN les a encouragés à l’accueillir comme un magnifique encouragement pour la mission CANA dans les 50 pays représentés, quelle que soit la dénomination à laquelle ils appartiennent. Il a fait le lien avec ce qui est si important à CANA : la fraternité, la joie, la foi, la défense des plus fragiles, l’espérance active. Voici un résumé succinct de cette intervention.

Un texte qui s’adresse à tous. Un nouvel élan pastoral

L’Année de la Famille Amoris Laetitia est l’occasion de relire ce document ou même de le découvrir, en laissant de côté nos préjugés. Quand le pape parle de l’Église, nous pouvons entendre nos différentes communautés chrétiennes. Ce document rencontre encore beaucoup de résistances, d’ignorance, de commentaires critiques ou d’interprétations (souvent centrées sur les ouvertures considérées comme des coups de canif donnés dans la doctrine morale de l’Église). Il s’agit donc d’approfondir le « texte avec patience morceau par morceau » (AL 7) pour pouvoir donner un nouvel élan à son application pastorale.

Miséricorde et tendresse. Des repères spirituels, concrets

Publiée en avril 2016, pendant l’année Jubilaire de la Miséricorde, après un long processus de consultation synodale au niveau mondial, l’exhortation est très largement marquée par la pensée propre du pape, de spiritualité ignacienne. L’exhortation est « …comme une proposition aux familles chrétiennes qui les stimule à valoriser les dons du mariage et de la famille, et à garder un amour fort et nourri de valeurs telles que la générosité, l’engagement, la fidélité ou la patience… elle vise à encourager chacun à être un signe de miséricorde et de proximité là où la vie familiale ne se réalise pas parfaitement ou ne se déroule pas dans la paix et la joie. » (AL 5).

Le pape ne pose pas les bases doctrinales de la vie de couple car elles ont déjà été posées et elles restent valables, mais il cherche plutôt à donner aux familles des repères spirituels, bien concrets pour leur vie (dialogue, prière, intimité, éducation des enfants), et aux acteurs pastoraux, aux évêques, aux prêtres et à nous, responsables de CANA, des éléments concrets pour notre action auprès des familles.

La parole de Dieu est le fil conducteur de sa réflexion car elle est « une compagne de voyage, y compris pour les familles qui sont en crise ou qui sont confrontées à l’une ou l’autre souffrance, et leur montre le but du chemin » (AL 22).   

Quelques traits fondamentaux de ce texte 

1. Le mariage chrétien, une bonne nouvelle pour tous.

Redire la beauté de l’amour conjugal et familial, la joie et le bonheur qu’il procure, lorsqu’il est l’expression du don de soi à l’autre, vécu de manière définitive, fidèle et ouverte à la vie est au cœur du texte. L’Église et les familles sont intimement liées. La joie de l’un fait la joie de l’autre. Ce qui est vécu en famille – la fraternité, l’amour de don – constitue une promesse qui rayonne sur toute la société. Le mariage est une vocation essentielle et irremplaçable pour toute la société.

« Les couples chrétiens peignent le gris de l’espace public, le remplissant de la couleur de la fraternité, de la sensibilité sociale, de la défense de ceux qui sont fragiles, de la foi lumineuse, de l’espérance active. » (AL 184).

2. Prendre en compte la réalité complexe et la fragilité.

Le pape constate la réalité concrète des familles dans leur diversité, marquées par la culture et l’histoire de chaque pays et aussi par les aléas de la vie. Il nous invite à ne pas se limiter à un idéal chrétien auquel tous doivent se conformer, un modèle unique et abstrait.

Il relève l’évolution positive des conditions de vie des familles mais aussi les nombreux obstacles auxquelles elles sont confrontées, insistant sur l’apparition de nombreuses fragilités dues à la vie moderne qui déstabilisent et mettent en danger le couple et, par voie de conséquence, la famille. L’Église doit donc rejoindre les familles dans leur réalité concrète et cheminer avec elles sans nier leurs fragilités.

3. L’amour en chemin, un parcours de croissance.

Les familles sont sur un chemin de croissance et de maturité. L’amour se construit tout au long de la vie. Il n’y a pas d’impasse, de voie sans issue. Accompagnons ce processus avec patience : « Cheminons, familles, continuons à marcher ! Ce qui nous est promis est toujours plus. » (AL 325)

L’Église est elle aussi en chemin, appelée à se convertir pour être de plus en plus fidèle à l’exemple du Christ dans sa démarche d’accueil et de miséricorde. Or la conversion demande du temps, elle est rarement instantanée. Pour lui, le temps est supérieur à l’espace. Il vaut mieux créer des processus qui permettent le travail à long terme avec d’autres que de posséder des espaces de pouvoir dans l’impatience des résultats attendus.

A CANA, nous apprenons à laisser du temps aux couples pour apprendre à dialoguer entre eux en vérité, pour se réconcilier, pour témoigner de ce que le Seigneur a fait dans leur vie.

4. Accompagner, discerner, intégrer : une conversion pastorale à l’exemple de Jésus.

La pastorale de l’Église ne doit pas rester figée dans la conformité à la règle ou à l’idéal souhaité. Elle doit accompagner toutes les familles, quelle que soit leur situation, pour les encourager, prendre soin d’elles, et ceci graduellement selon 3 mots-clés : accompagner, discerner, intégrer.

Accompagner. Relever les éléments positifs existant dans chaque situation de famille, même si elle ne vit pas complètement l’idéal chrétien. Avancer avec le Seigneur qui marche avec nous et avec les personnes vers le but, comme sur le chemin d’Emmaüs.

Discerner les situations au plan personnel. Aider les personnes à voir où elles en sont, et, en conscience, à déterminer quelle est leur responsabilité dans ce qu’elles vivent. (AL 37). Au-delà du permis/défendu, discerner au plan pastoral, les propositions adaptées à la situation concrète de la personne, de la famille en cause. Tout en restant fidèle à la vérité et à l’enseignement de l’Église qui n’est pas remis en cause. Les personnes sont placées dans une perspective de cheminement, avec espérance et miséricorde.

« Intégrer tout le monde pour aider chacun à trouver sa manière de participer à la communauté ecclésiale. Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile. » (AL 297) Tout n’est pas possible, mais il y a toujours une place dans l’Église. La grâce est à l’œuvre dans toute situation.  

Le pape est conscient qu’il s’agit d’une véritable conversion très exigeante pour l’Église. «… Jésus-Christ veut une église attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité : une Mère qui en même temps qu’elle exprime clairement son enseignement objectif, ne renonce pas au bien possible, même si elle court le risque de se salir avec la boue de la route. » (AL 308)

A CANA, nous apprenons à accompagner les personnes et à discerner ce qui est bon pour elles. Chacune a sa place dans la fraternité.

Un appel pressant. Merci, Pardon, S’il te plait !

Amoris Laetitia est un appel pressant à prendre soin des couples et des familles avec amour. « Les familles ne sont pas un problème, elles sont d’abord une opportunité. » (AL 7). Rien n’est perdu. Regarder les personnes comme Dieu les regarde de manière positive, avec bienveillance, tendresse et miséricorde, comme Jésus regarde les pécheurs dans l’Évangile.

Encourageons les familles à faire la même chose : les conjoints entre eux, les parents avec leurs enfants, les enfants avec leurs parents, les petits-enfants avec leurs grands-parents. Mais aussi dans une ouverture aux autres, qui ne font pas partie du cercle familial. 

Pour cela, la prière familiale est une aide puissante car elle est une ouverture à Dieu, le Tout-Autre. Le pape parle de la prière d’alliance avec les 3 mots que nous connaissons bien à CANA : Merci, Pardon, S’il te plaît. Cette spiritualité permet à la famille d’être « en même temps une Église domestique et une cellule vitale pour transformer le monde. » (AL 324)

Le mariage est prophétique pour notre humanité, et non pas périmé, comme l’homme contemporain peut parfois être tenté de le penser.

A CANA, soyons fiers de notre appel à servir la famille !

Pour aller plus loin

http://www.laityfamilylife.va/content/laityfamilylife/fr/amoris-laetitia.html