Pour ses très nombreux lecteurs, le quotidien italien « Avvenire » a posé à CANA huit questions clés. Publiées à l’aube de la Rencontre Mondiale des Familles à Rome (19 juin), voici ce que CANA a répondu.

Article en italien ici.

1) La mission CANA s’exprime par la formule « Pour mieux aimer ». Pourquoi les couples de notre époque ont-ils perdu la capacité d’aimer ou d’entrer en relation, de surmonter ensemble les problèmes de la vie quotidienne ?

A travers nos missions dans le monde nous constatons la perte de repères, surtout chrétiens. Les couples ont du mal à se retrouver, à savoir ce qui est essentiel dans la vie, à prendre du temps l’un pour l’autre. Il y a la concurrence du travail, souvent des deux conjoints, les vies agitées, les activités extérieures multiples, internet et les réseaux sociaux…. La société occidentale actuelle est très individualiste et pousse chacun à développer ses projets, sa carrière, à privilégier son épanouissement personnel, etc… au détriment du couple et de la famille. CANA est là pour aider les couples à s’arrêter et à prendre du temps pour l’essentiel : AIMER, S’AIMER…

2) Dans Amoris Laetitia, le pape François indique un chemin renouvelé pour la pastorale familiale, expliquant que le mariage n’est pas un point d’arrivée mais un point de départ sur un chemin où la fragilité et les problèmes doivent être pris en compte. Les couples qui arrivent à votre « Semaine CANA » ont-ils cette prise de conscience ?

OUI. Beaucoup choisissent de venir parce qu’ils sentent vivre des difficultés au quotidien ; ils ne savent pas toujours nommer leurs fragilités. Mais ils n’ont pas ou plus de repères, ou les clés pour avancer, devant les obstacles et difficultés. Ils sont en attente, en recherche de quelque chose, qui les aidera à mieux communiquer, se comprendre, apprendre à traverser les crises ensemble, se pardonner, vivre une meilleure sexualité… Ils réalisent alors qu’ils ne sont pas les seuls dans cette situation et qu’ils peuvent comme beaucoup d’autres avancer sur ce chemin.

3) Pensez-vous que l’Exhortation post-synodale, Amoris Laetitia, est connue et appréciée des couples que vous rencontrez dans les différents pays du monde ?

Dans la mission CANA nous promouvons beaucoup Amoris Laetitia – La Joie d’Aimer, car le langage du pape François est riche, beau, concret et surtout plus accessible que celui de ses prédécesseurs. Mais en dehors d’un cercle de couples engagés et proches de l’Église, Amoris Laetitia reste peu ou mal connue. Il reste beaucoup à faire et cela prendra du temps.

4) Lorsque l’on évoque les différents problèmes auxquels la famille doit faire face au quotidien (dynamique de couple, sexualité, éducation des enfants, relations entre les générations, etc.), y a-t-il des sensibilités différentes entre les couples chrétiens et les couples d’autres confessions ?

Nous nous adressons à tous les couples chrétiens du monde. Nous constatons que tous les couples des différentes confessions chrétiennes (catholique, protestante, évangélique, orthodoxe, copte, maronite…) ont globalement les mêmes questions sur leur vie de couple et de famille. Ils ont les mêmes problèmes à résoudre : sexualité, communication, équilibre vie professionnelle/vie familiale, crise du Covid, éducation des enfants avec Internet, transmission de la foi, comment durer dans la relation, vie spirituelle personnelle et en couple, la place de chacun dans le couple…. La sécularité traverse le monde, surtout occidental, mais nous constatons que la question se pose également dans les grandes agglomérations des pays en développement.

5) Quelles sont les plus grandes difficultés des couples qui participent à vos « Semaines ». Y a-t-il des différences significatives dans les différents pays ?

Curieusement, il n’y a pas de différences importantes entre les pays et cela sur tous les continents. La sécularisation, la modernité touche presque tout le monde, avec donc les mêmes questions sensibles (voir réponse question 4). Les grandes difficultés sont les mêmes avec des nuances liées à l’environnement familial et la culture. Par exemple, dans certains pays, jouer avec ses enfants est inhabituel. Dans de nombreux pays, la sexualité est souvent mal connue ; parler simplement de l’intimité du couple est très rare.

6) Comment l’Église doit-elle changer pour mieux répondre à ces problèmes ?

C’est une vaste question et il y a sûrement plusieurs angles d’attaque. Voici quelques pistes :

7) Pourquoi pensez-vous que le nombre de mariages diminue dans le monde occidental ?

La sécularisation de la société est un rouleau compresseur : l’individualisme, l’épanouissement personnel, la liberté comprise comme un refus des contraintes dominent. Les femmes qui font des études recherchent à valoriser leur carrière ; elles repoussent l’âge d’avoir des enfants ou refusent d’en avoir… Les jeunes couples ne voient plus l’engagement à travers un acte officiel (pas de contraintes), l’augmentation du nombre de divorces n’est pas incitatif et même un contre-exemple ! Et la perte de la foi chrétienne dans la société n’apporte plus de repères à ceux qui en sont éloignés.

8) Comment pouvons-nous encourager les familles de notre temps à avoir encore foi en l’Église ?

L’Église a un message extraordinaire et unique à transmettre mais elle doit revoir la façon de le présenter. Il s’agit d’apprendre à accueillir les couples là où ils en sont aujourd’hui, sans jugement, et les encourager à avancer, pas à pas, dans la confiance. Non pas dans une ambiance moralisatrice du permis/défendu mais dans un climat de liberté et de simplicité joyeuse. En leur montrant que c’est possible.

Il faudra du temps. Il est essentiel de reprendre le contact avec les familles en accueillant très bien les enfants, en leur donnant leur juste place, leur offrant de vivre des programmes qui correspondent à leurs réalités d’aujourd’hui tout en gardant le sens de la foi.

Pour ce faire, il est nécessaire de travailler la proximité, de veiller à l’aide aux familles en difficulté, et surtout de travailler main dans la main entre clercs et laïcs. Ensemble, il nous faut beaucoup d’humilité, y compris dans le langage, et de respect mutuel dans la vocation de chacun. Dans l’Église, nous avons la chance immense que de nombreux couples peuvent témoigner : la vie de couple est belle, même si elle n’est pas toujours évidente. Mettons donc en valeur les témoins de ce monde ! A CANA, nous connaissons beaucoup de couples croyants qui se donnent pour la mission auprès des couples parce qu’ils ont eux-mêmes reçu beaucoup. Valorisons-les, encourageons les ! Cela redonnera confiance aux autres.